
Mariam Bougma, prix « Jeunes chercheurs » de la Fondation des Treilles
Doctorante à l'École HED, Mariam Bougma a reçu cette année le prix d’excellence de la Fondation des Treilles, remis à de jeunes chercheuses et chercheurs en fin de thèse afin de saluer l'originalité et la pertinence de leurs recherches.
Nous nous étions rencontrées en 2021, alors que vous finalisiez votre master HED. Pouvez-vous nous rappeler aujourd’hui votre parcours et nous présenter votre situation au sein de l’École HED ?
J’ai effectué une maîtrise en économie et de gestion des entreprises, au cours de laquelle j’ai eu la chance de suivre un cours de démographie à l’université de Ouagadougou au Burkina-Faso. Cela m’a conduit à m’inscrire en master en science de la population à l’Institut Supérieur des Sciences de la Population (ISSP) puis à effectuer le master d’Ingénierie Démographique et expertise des populations (IDEP) de l'université de Picardie Jules Verne, à Amiens. C’est au cours de ce second master en IDEP que je me suis inscrite en master 2 à l’École HED. Depuis octobre 2022, j’effectue une thèse portant sur les « Préférences de sexe et santé des enfants en Afrique de l'Ouest et Centrale », à l’Ined et au CEPED avec un financement de l’École HED, sous la direction de Christophe Guilmoto (université Paris Cité) et de Géraldine Duthé (Ined).
Aujourd’hui, nous arrivons à la fin de votre contrat de thèse, quels sont les constats auxquels vous avez abouti ?
L’observation des niveaux de mortalité chez les enfants âgés de 1 à 4 ans montrent des différences significatives dans certains pays d’Afrique de l’Ouest. Les analyses portant sur la vaccination, réalisées à partir des dernières enquêtes nationales dans différents pays, montrent également que les filles sont bien plus désavantagées par rapport aux garçons au Sénégal et au Burkina Faso. Elles ont des niveaux de mortalité plus élevés que leurs frères garçons, ce qui anormal pour chacun de ces pays.
Je souhaite également vérifier si ces inégalités s’observent pour les soins curatifs. Est-ce que, en cas de maladie, les garçons et les filles bénéficient équitablement des mêmes soins ? Aussi, je pense à explorer d’autres thématiques comme le risque d’excision ou encore les pratiques alimentaires. Celles-ci pourraient être étudiées au travers d’enquêtes quantitatives appuyées par des enquêtes de terrain et pourraient justifier une 4e année de thèse.
Quelle méthodologie avez-vous mis en place pour mesurer ces différences de traitement entre les filles et les garçons ?
Mon sujet de thèse porte sur 13 pays de l’Afrique de l’Ouest et centrale, région où la mortalité des enfants reste encore élevée. Mon objectif est de démontrer qu’il existe une inégalité de genre en matière de santé et de décrire les processus aboutissant à cette discrimination ainsi que les groupes de population les plus à risques de présenter ces inégalités.
Il y a peu de travaux sur ce sujet, en raison de la qualité des données et de leur caractère limité. En effet, même si les chercheurs disposent d’un accès libre aux données EDS (Enquêtes démographiques de santé), elles restent toutefois limitées, avec des échantillons faibles. Je mobilise donc plusieurs outils méthodologiques dans le cadre de cette thèse car je travaille avec diverses sources de données qui ne sont pas forcément exploitables de la même façon. Par exemple, pour l’analyse de la mortalité des enfants, je passe à la fois par la méthode directe et par la méthode indirecte pour estimer les niveaux de mortalité selon le sexe. Quand aux analyses explicatives du désavantage des filles, concrètement, je fais des régressions logistiques en introduisant dans mes modèles, des variables explicatives telles que les caractéristiques relatives aux mères (éducation, milieu de résidence, âge, alphabétisme, religion, niveau économique) ou les caractéristiques liées à l’enfant (sexe, âge, lieu de naissance, rang de naissance), sans oublier certaines variables comme la région et le pays.
Par ailleurs, comme prévu initialement et comme ce que d’autres chercheurs m'ont suggéré lors de mes présentations de travaux au cours de conférences internationales, des analyses multiniveaux seront aussi intéressantes à faire dans le cadre de ma thèse.
En quoi votre formation à l’École HED vous aide dans votre thèse ?
HED m’a permis d’approfondir mes compétences en démographie, grâce aux formations approfondies sur R proposées au sein du cursus.
J'ai bénéficié également de généreux financements qui m'ont permis de me rendre à des conférences internationales* et de présenter mes résultats préliminaires à la communauté de chercheurs.
Qu’envisagez de faire après votre thèse ?
Je pense déjà effectuer une 4e année de doctorat, en privilégiant le recours à des entretiens individuels. Ensuite, je souhaite continuer dans la recherche et consacrer un tout petit peu de temps à l’enseignement ! J’ai déjà donné des cours de méthodologie aux étudiants de l’Institut de démographie (IDUP) de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Depuis deux ans, je donne également des cours de statistiques aux étudiants en sciences humaines et sociales de l’université Paris Cité. C’est vraiment mon projet professionnel et je souhaite y parvenir.
*Conférence africaine de populations aux Malawi en mai,2024, colloque des sociologues américains à Montréal en août 2024 et la PAA à Washington en avril 2025.